Communiqué de presse du 24 août 2022
RUNE-Genève soutient le Projet de loi modifiant la loi sur l’instruction publique « Pour une souveraineté et une responsabilité numérique dans l’enseignement obligatoire » – PL 13138 – et appelle au refus du PL 13011
Genève, le 24 août 2022
En cette semaine de rentrée scolaire genevoise, l’association Réfléchissons à l’Usage du Numérique et des Écrans, RUNE-Genève, appelle le Parlement à soutenir le Projet de loi modifiant la loi sur l’instruction publique « Pour une souveraineté et une responsabilité numérique dans l’enseignement obligatoire » – PL 13138 déposé en juin dernier et à refuser le Projet de loi ouvrant un crédit d’investissement de 9’019‘000 francs destiné à équiper les établissements de l’enseignement obligatoire et de l’enseignement secondaire II des équipements nécessaires à l’éducation numérique, PL 13011.
RUNE-Genève soutient pleinement le PL 13138 qui reprend en de nombreux points les éléments mentionnés dans sa pétition et qui met en lumière les nombreux manquements actuels du Département de l’Instruction Publique dans ses usages du numérique dans les écoles : plus-value pédagogique non démontrée de l’usage de tablettes à l’école primaire, usage d’outils provenant des GAFAM (Google, Microsoft…), aucun règlement cadre pour les enseignant.e.s,… La nécessité d’instituer un code de responsabilité numérique pour l’enseignement obligatoire comme le propose le PL13138 et celle de clarifier l’usage du numérique dans les écoles sont donc essentielles, tant son déploiement s’est fait de manière obscure dans les écoles primaires du canton. Par exemple, l’enseignement par le numérique avec des tablettes depuis plusieurs années dès les petites classes est déjà une réalité dans certains établissements.
L’outil numérique n’est pas neutre, les études le démontrent. Des mécanismes neurologiques, comme la libération de dopamine dans le cerveau, rendent dépendant au numérique, et empêchent de mobiliser pleinement ses propres ressources pour apprendre.
Comme l’explique Andreas Schleicher, directeur de la Direction de l’éducation et des compétences pour l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’organisme responsable des études PISA qui comparent et mesurent les performances des systèmes éducatifs dans près de 80 pays, « les résultats d’apprentissage pour les jeunes de quinze ans fréquemment exposés à la technologie en classe sont négatifs » : procéder à des simulations numériques en classe, faire ses devoirs sur l’ordinateur de l’école ou poster son travail sur son site, utiliser des applications et des messageries, toutes ces tâches auraient une mauvaise influence sur l’apprentissage.
Selon ce directeur, « l’acquisition par chaque enfant de compétences de base en lecture et en mathématiques semble bien plus utile pour améliorer l’égalité des chances dans notre monde numérique que l’élargissement ou la subvention de l’accès aux appareils et services de haute technologie ».
Penser que l’enseignement doit s’orienter vers du « tout ludique » et un apprentissage libéré de l’effort est un leurre. L’école doit tout mettre en œuvre pour favoriser une insertion sociale réussie ; la vie d’adulte autonome est exigeante et requière de nombreuses compétences.
Le déploiement du numérique dans les écoles ne peut faire fi d’une analyse globale multifactorielle des coûts/bénéfices qui prenne en compte les aspects pédagogique, social, financier, écologique et éthique. Pourquoi enrichir Google et Apple en achetant des outils numériques qui ne garantissent pas la protection des données ? Quid de l’impact du numérique sur l’environnement ? Et pourquoi éluder les questions de santé, entre autres les problèmes de myopie, des troubles des apprentissages ou psychiques, liés aux écrans ?
Par ailleurs, comme le révèlent les divers médias, une hausse des élèves dans l’enseignement spécialisé a encore été observée cette rentrée, avec une augmentation de 6 % par rapport à l’année précédente. Parmi les causes multifactorielles des problèmes de développement figure la surexposition aux écrans. Les problématiques actuelles concernant le développement de l’enfant méritent que l’État y porte toute son attention ; elles touchent déjà les enfants en âge pré-scolaire.
Pour toutes ces raisons, RUNE-Genève, appelle les parlementaires à :
- Soutenir le PL 13138 ;
- Rejeter le PL 13011 ;
- Mettre en place une politique publique de prévention des risques liés à la surexposition aux écrans dès l’âge pré-scolaire ;
- Renforcer l’acquisition de la lecture, de l’écriture et des mathématiques pour favoriser un socle de connaissances et de savoirs fondamentaux nécessaires aux apprentissages post primaire et ainsi favoriser une bonne insertion sociale ;
- Garantir une école publique de qualité axée sur les interactions sociales des élèves avec leurs pairs et avec les enseignant.e.s, favorisant les liens avec la société et la nature;
- Soutenir l’éducation au numérique et l’accompagnement au numérique (sensibilisation aux usages, aux réseaux sociaux, à l’intégrité numérique et de la protection des données personnelles), en y intégrant également l’angle sociétal, environnemental et sécuritaire.