Le collectif a déposé le 3 mai 2021 sa pétition auprès du Grand conseil genevois :
Numérique à l’école primaire : le coup de tablette magique ?
Demande de moratoire au sujet du projet du DIP – État de Genève
de formation par le numérique à l’école primaire
munie de 684 signature et avec le soutien de trois groupements :
- Association des Logopédistes Indépendants de Genève – ALIGE
- Groupe enseignement – Syndicat des services publics – SSP-Genève
- itopie informatique, société coopérative – Genève
Le 13 septembre 2021, l’association s’est faite auditionner auprès de la Commission des pétitions du Grand Conseil genevois.
Le 12 octobre, la commission des pétitions a soutenu par 14 voix contre 1, la demande de moratoire.
La numérisation de la vie quotidienne, devenue un enjeu de santé publique, ne doit pas être prise à la légère.
L’association RUNE-Genève, Réfléchissons à l’Usage du Numérique et des Écrans, questionne le projet du DIP de l’Etat de Genève de formation par le numérique à l’école primaire.
Le besoin est-il avéré ? Les bénéfices sont-ils supérieurs aux coûts et aux risques en tenant compte des aspects pédagogiques, sanitaires, économiques et écologiques ? Nous en doutons.
Nous ne sommes pas technophobes, mais estimons qu’une distance critique et une analyse minutieuse des coûts sociaux, environnementaux, financiers et sanitaires de l’usage du numérique par les élèves de l’école primaire est nécessaire. Les outils numériques ont de multiples aspects positifs, qu’il ne s’agit pas de nier, mais leurs aspects potentiellement nocifs ou simplement inefficaces doivent également être pris en considération.
Selon l’association RUNE-Genève, il ne s’agit pas de refuser les innovations technologiques ni de nier que le monde se transforme avec les nouvelles technologies, mais d’affirmer que se préparer au mieux à l’avenir ne nécessite pas forcément de déployer celles-ci à l’école dès le plus jeune âge.
Il paraît en revanche essentiel qu’au long de leur cursus scolaire, les élèves apprennent à réfléchir sur leurs usages numériques, en partant de leur pratique et en les accompagnant vers une meilleure compréhension du rapport qu’ils entretiennent avec les outils connectés. Sélectionner, trier, classer les informations, faire la différence entre les sources fiables et celles qui ne le sont pas. Apprendre par exemple que les premiers résultats de Google ne sont pas toujours les plus pertinents lorsqu’on fait une recherche, et qu’ils ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Comprendre les usages et dangers liés à Internet : le cyberharcèlement et son cadre réglementaire, le risque que certaines données personnelles diffusées échappent à tout contrôle, les manipulations psychologiques sur les réseaux sociaux, etc. Comprendre également les risques pour leur santé de la surexposition aux écrans de toute sorte.
Cet accompagnement AU numérique doit être adapté selon l’âge des élèves.
À propos du numérique, un domaine en constante évolution par lequel se développent des inégalités dans l’accompagnement éducatif des jeunes, l’École pourrait se positionner en tant qu’acteur de sensibilisation et de réflexion, comme elle le fait pour les questions de sexualité ou de citoyenneté.
Selon l’association RUNE-Genève , l’acquisition de compétences numériques, telles que la bureautique ou la programmation informatique, doit se faire à partir du Secondaire I.
Selon nous, il est impensable d’envisager l’intrusion du numérique dans les écoles sans débat. La question de la numérisation de l’école (primaire) mérite réflexion et précaution, et doit être discutée et pensée à un niveau politique et sociétal. L’urgence est piètre conseillère.
Elles et ils soutiennent la pétition
Bernard Borel, pédiatre :
Le monde virtuel ne permet pas à l’enfant de faire les expériences sensorimotrices essentielles à son développement, à un âge où le lien avec l’adulte référent est si important.
Tido von Schoen-Angerer, pédiatre
Thierry Battisti, pédiatre
Aline Larue, pédiatre
Eléonore Dupraz, pédiatre
Ajse Avdilova Ibarimi, pédiatre
Valérie Uldry, pédiatre
Jesper Balslev, chercheur et enseignant HES au Danemark
doctorant en philosophie à KEA, l’école de design et de technologie de Copenhague, et membre du Conseil sur l’apprentissage numérique, auteur d’une thèse critique sur les arguments en faveur du numérique :
Evidence of a potential, Ph.D. thesis
Former au numérique ou fournir de l’attention aux GAFAM? (entretien en français)
Kristine Balslev, enseignante universitaire, Faculté de Psychologie et des Sciences de l’éducation :
Avant d’investir dans le numérique pour l’enseignement, il est essentiel de mener une réflexion avec l’ensemble des acteurs concernés en se demandant ce qu’on gagne et ce qu’on perd avec les outils digitaux, et si une compréhension du monde digital nécessite l’achat en grand nombre de tablettes ou d’ordinateurs.
Aurora Blanco, psychologue FSP et chargée de cours UNIGE
Dominique Charles-Messance, oculariste
Mael Denegri, enseignante
Frédéric Radeff, informaticien
Barbara Robbiani Darbellay, psychologue
Jean Romain, député
Lucia Placidi, metteuse en scène
Victor Duvanel, développeur web indépendant
Maria Campagnolo, collaboratrice scientifique Ville de Genève
Véronique Humbert, enseignante
Gaël Riondel, travailleur social
José Burgos, adjoint financier
Sébastien Haye, consultant
Jacques Etique, cadre santé-social
Julien Le Fort, avocat
Daniele Beltrametti, enseignant universitaire
Lise Brulhart-Cottier, infirmière retraitée des HUG
Sandra Freymond, enseignante
Patrick Guillain, éducateur
Ghislaine Jacquier, infirmière-géographe
Diana Mary Harmer, retraité physiothérapeute
Annick Steiner, assistante socio-éducative
Luc Bon, travailleur social
Laurent Charlet, chargé de projet
Rémi Heijn, jardinier paysagiste
Natacha Gos, musicienne
Béatrice Barbey, enseignante
Paloma Laplace, sportive
Marc Dunant, éducateur
Danielle Merle, éducatrice
Leticia Costantino – Juncal, kinésiologue
Yasmine El-Sanie, étudiante en art-thérapie
Marisa Anabel Pralong-Farias, employée en administration
Laura Wendenburg, illustratrice et professeure de dessin
Régine Gavillet, comptable
Catherine Lavorel, enseignante
Maurizio Donati, comptable
Luc Rebetez, garde de l’environnement
Damien Pattaroni, enseignant
Jésus Cruz, retraité
Loïc Diacon, bibliothécaire
Sabine Venturelli, enseignante à la retraite
Yazan Savoy, employé en administration
Urbano Juncal, retraité
Carlo Baumgartner, retraité
Béatrice Mann, retraitée
Claudio Venturelli, enseignant retraité
Anita Gottraux, enseignante retraitée
Christophe Sturzenegger, musicien
Rachel Pouponnot, infirmière, architecte et mère
Magali Khan Mohammad Favre, infirmière
Yvonne Borloz, enseignante retraitée
Michèle Janz, éducatrice retraitée
Natascha Michel, développeuse web et formatrice
Vincent Fesselet, graphiste
Célia Barthélemy, enseignante
Elisa Lanciotti enseignante
Zsuzsanna Szabo, historienne de l’art
Aline Juon, architecte
Christian Schuetz, architecte
Benoît Capt, musicien, musicologue
Philippe Maeder, éclairagiste
Jacynthe Gagnon, mère au foyer
Miguel Wendenburg, paysagiste-agriculteur
Noemie Etienne, professeure
Gideon Urbach, traducteur
Tamara Katz, archiviste et historienne
Anne-Pascale Wüthrich-Godenzi
Charlotte Wirz
Françoise Rey
Sarah Guth
Kirsten Almeida Erni
…
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Pétition adressée au Grand Conseil genevois
Demande de moratoire
au sujet du projet du DIP – État de Genève
de formation par le numérique à l’école primairePlus-value pédagogique non démontrée, conséquences sur la santé des enfants,
coût économique élevé, empreinte écologique désastreuse…« A force de sacrifier l’essentiel à l’urgence, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel. »
Edgar Morin (Philosophe et Sociologue)L’État doit-il financer l’équipement des écoles primaires en tablettes numériques, tableaux blancs interactifs et réseaux sans fil, alors que la plus-value pédagogique de l’enseignement par le numérique n’est aucunement démontrée ?
Que dire du coût économique et écologique, et des atteintes à la santé des enfants ?
Nous demandons donc un moratoire sur la formation par le numérique à l’école primaire.
Pour centrer le débat, la nécessité de la formation au numérique n’est ici pas contestée, bien au contraire.
Sensibilisation aux usages, aux réseaux sociaux, à l’intégrité numérique, à la fiabilité des informations, etc. sont autant de sujets essentiels
qui peuvent être traités à l’école primaire sans que les élèves disposent d’une tablette.
L’apprentissage de l’informatique dans l’enseignement secondaire I et II n’est également pas remis en cause.La plus-value pédagogique de l’« école numérique » n’est pas démontrée, comme l’a relevé une étude diligentée par l’OCDE en 2015 dans le cadre du programme PISA. Cette étude révèle même, quant à l’impact des investissements numériques, que « les pays qui ont le plus investi sont ceux qui ont vu les performances de leurs élèves diminuer le plus sévèrement ». « Les résultats sont identiques pour la lecture, les mathématiques et les sciences ».
Dans ce même rapport OCDE/Pisa 2015, on peut lire que les nouvelles technologies à l’école ne sont pas d’un grand secours pour combler les écarts de compétences entre élèves favorisés et défavorisés. Plus le niveau socio-économique est bas, plus le numérique s’installe dans la chambre des enfants. Le problème ne situe donc pas au niveau de l’accès aux outils numériques.
Les atteintes à la santé en lien avec l’utilisation répétée des écrans sont multiples : fatigue oculaire, diminution de la vue (myopie), baisse de la concentration, moral affecté, incertitudes sur la nocivité électromagnétique des réseaux sans-fil, etc. À l’occasion de la publication de sa nouvelle Classification internationale des maladies (CIM-11) en 2018, l’OMS a officiellement reconnu l’existence de l’addiction aux jeux vidéo (gaming disorder) et évoque des « troubles d’usage d’Internet et de dispositifs similaires ».
Est-ce que l’école doit favoriser l’usage d’écrans portant atteinte à la santé des enfants ?
Les outils numériques ont un coût élevé d’investissement initial, de maintien et de renouvellement : achat du matériel, des logiciels, connexions internet, etc. S’y ajoute le coût de formation, le temps passé par les enseignant-e-s et le suivi du personnel technique informatique pour régler les bugs et autres dysfonctionnements fréquents.
L’allocation des ressources est également un aspect préoccupant. L’État souhaite-t-il imposer l’acquisition de connaissances numériques à tous les enseignants et enseignantes au détriment d’autres compétences : connaissances en lien avec les matières dispensées, pédagogie employée, compétences relationnelles, etc. ? Les enseignant-e-s ne peuvent pas tout faire.
Le coût de la numérisation de l’école n’est pas qu’économique, il est également écologique. Métaux rares provenant de mines très polluantes, consommation d’énergie (data centers), faible durée de vie des outils numériques et problèmes de recyclage. Les manuels papiers ont une empreinte écologique bien plus faible à tous les niveaux : production, durée de vie et recyclage.
Selon ce projet, les enseignant-e-s devraient répondre à des injonctions contradictoires : enseigner par le numérique et promouvoir le développement durable.Se pose encore les questions de l’intégrité numérique, de la sécurité des données, de l’intrusion d’acteurs économiques privés dans la sphère éducative. L’État doit-il par exemple utiliser les deniers publics pour acheter des services de plateformes d’échange, courriel et logiciels divers, de Microsoft, ou de Google, comme c’est déjà le cas dans le secondaire I et II avec « Classroom », alors que l’on connaît les objectifs de récolte massive de données visés par ces grands groupes ?
La numérisation de l’école (primaire) est une question qui mérite réflexion et précaution, qui doit être discutée et pensée à un niveau politique et sociétal. L’urgence est piètre conseillère. Une analyse méticuleuse doit être réalisée afin que les décisions soient prises de manière éclairée.
Pétition lancée par le collectif « Réfléchissons à l’Usage du Numérique et des Écrans » – RUNE-Genève, le 29 octobre 2020.
Le groupement « RUNE »
« Réfléchissons à l’Usage du Numérique et des Écrans »