Communiqué de presse : proposition citoyenne contre l’exploitation des jeunes par l’industrie de la technologie

Une proposition citoyenne contre l’exploitation des jeunes et des enfants par l’industrie de la technologie de l’information récolte plus de 57’000 signatures en 6 semaines au Danemark.

En France, l’approbation d’une loi relative à la prévention de l’exposition excessive des enfants aux écrans a été adoptée le 7 mars 2023 par le parlement. En outre, une proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne est en bonne voie.

Et la Suisse ? Maltraitance involontaire ou complicité ?

Genève, le 12 juin 2023

La Suisse ne joue pas son rôle de protectrice des enfants et des jeunes. Elle ne respecte pas ses engagements en tant que signataire de la Convention relative aux droits de l’enfant qu’elle a ratifiée en 1997, ni l’article 11 de la Constitution suisse sur la protection des enfants et des jeunes. Maltraitance involontaire ou complicité ?

La surexposition des enfants et des jeunes aux écrans a de nombreux impacts sur la santé, que ce soit au niveau du développement, de la vue ou de la santé psychique. De nombreux troubles directs et indirects sont liés à l’usage des écrans : facteur d’obésité, désinvestissement des activités hors écran, dépression, dépendance et addiction.

L’exposition des tout-petits laissés devant des écrans peut entraîner des troubles des apprentissages, parfois irréversibles ; les expositions précoces des enfants, déjà à l’école primaire, à des contenus violents et à de la pornographie causent des dommages psychiques pouvant entraîner des passages à l’acte ; les diffusions de photos et vidéos ayant pour but l’humiliation d’un·e pair·e (diffusion notamment de « nude »), ou de propos haineux (harcèlement) entraînent une énorme souffrance psychique des victimes, manifestée par des phobies scolaires, des mutilations ou des suicides.

Augmentation de la frustration, baisse de l’empathie, augmentation de la violence figurent parmi les conséquences d’une surexposition aux écrans.

Les années passent, les dégâts sont immenses.

De nombreux parents sont dépassés, démunis ; la pression sociale est forte. La peur de voir son enfant exclu les conduit souvent à autoriser des jeux en ligne inadaptés à l’âge de leur enfant, à l’achat d’un smartphone de plus en plus tôt, à autoriser leur enfant à utiliser des réseaux sociaux ayant parfois des contenus illégaux, inappropriés, violents et dangereux. Le manque d’information ou la banalisation sont également des freins à un accompagnement adapté des enfants et des jeunes.

Plusieurs pays européens sont en train de légiférer à ce sujet.

De passage à Genève Jesper Balslev, docteur en philosophie, auteur de la « Critique de la raison numérique – en éducation » en 2018 et maître de conférence à l’école de design et technologie de Copenhague (Copenhagen School of Design and Technology), est l’un des signataires de la proposition citoyenne contre l’exploitation des jeunes et des enfants par l’industrie de la technologie de l’information qui a récolté plus de 57’000 signatures en six semaines, dans un pays peuplé de 6 millions d’habitant·e·s. Cette proposition, lancée le 28 mars 2023 par Tech & bien-être1 et déposée le 17 mai sera traitée par le gouvernement danois car elle a obtenu les 50’000 paraphes nécessaires à son examen.

La proposition citoyenne comporte notamment les demandes suivantes :

  • L’interdiction de collecter des données auprès de personnes de moins de 16 ans.
  • L’interdiction de faire du marketing dit comportemental auprès de personnes de moins de 16 ans.
  • L’interdiction de pratiques de conception manipulatrices susceptibles d’inciter les enfants à visionner des contenus inappropriés ou à retenir leur attention contre leur gré.
  • Exiger des entreprises technologiques qu’elles réalisent et publient un « Children’s Impact Assessment » selon l’approche britannique avant de lancer un nouveau service ou produit destiné aux enfants et aux jeunes.
  • Exiger des entreprises technologiques qu’elles divulguent leurs pratiques en matière de collecte de données, de modération de contenu et d’utilisation d’algorithmes, y compris les types et les quantités de données collectées et utilisées pour l’amplification ou le ciblage algorithmique.
  • Exiger des entreprises technologiques qu’elles bloquent l’accès des mineurs aux plateformes de médias sociaux telles qu’Instagram, TikTok et SnapChat, à moins qu’ils ne disposent d’une autorisation parentale explicite.
  • Exiger des entreprises technologiques qu’elles bloquent l’accès des mineurs aux contenus pornographiques.

Cette dernière proposition répond à une réalité observée qui alerte de plus en plus les acteurs de terrain travaillant avec les jeunes et les professionnel·le·s de la santé, infirmier·ère·s ou pédopsychiatres. Le 6 juin dernier, « Le Monde »2 révélait que l’âge du visionnage pornographique en France est de plus en plus précoce : plus de la moitié des garçons de 12-13 ans (51 %) regardent des sites pornographiques chaque mois, et même près d’un quart des 10-11 ans (21 %).

La France a quant à elle adopté trois propositions de lois en lien avec l’impact des technologies de l’information sur les enfants et les jeunes sur la base d’un rapport très bien documenté3.

Une première proposition de loi relative à la prévention de l’exposition excessive des enfants aux écrans a été adoptée le 7 mars 2023.4 La proposition de loi prévoit plusieurs mesures pour prévenir les risques de surexposition des plus jeunes enfants aux écrans et pour mieux sensibiliser les parents et former les professionnel·le·s de la petite enfance.

Selon une étude de février 2022, les enfants de moins de deux ans passent en moyenne 3h11 chaque jour devant les écrans : 1h22 devant la télévision, 44 minutes sur un smartphone, 34 minutes sur une tablette, 17 minutes sur un ordinateur et 14 minutes sur une console.5

Les risques d’un excès d’écrans sur la santé des touts-petits sont établis depuis longtemps : manque de sommeil, répercutions sur l’apprentissage du langage, risque de surpoids ou d’obésité, troubles de la vision…

Parmi les différentes mesures prévues, notamment sur le modèle de ce qui existe pour les paquets de cigarettes, un message de prévention devra être apposé sur les emballages des ordinateurs, des tablettes et des téléphones portables pour informer les consommateur·trice·s sur « les risques encourus par l’usage excessif de ces produits sur le développement psychomoteur, physique et cognitif des jeunes enfants ». Le même message de prévention devra figurer sur les publicités pour les télévisions, les ordinateurs, les portables, les tablettes et les autres produits assimilés.

Une proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne6 est en cours d’étude. Le 23 mai 2023, le Sénat a adopté en première lecture, avec modifications, la proposition de loi. Député·e·s et sénateur·trice·s doivent désormais se réunir en commission mixte paritaire pour trouver un accord sur une version finale du texte.

L’exposition à Internet et aux réseaux sociaux des plus jeunes peut avoir plusieurs conséquences : addiction aux écrans, problèmes de sommeil, risque de désinformation, d’exposition à la pornographie, de cyberharcèlement…

Devant ces risques multiples, la proposition de loi contient de nouvelles obligations pour les réseaux sociaux. Elle complète la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) pour définir les réseaux sociaux. Cette définition reprend celle figurant dans la législation européenne sur les marchés numériques ou Digital Markets Act (DMA)7.

De plus, elle contraint les réseaux sociaux à refuser l’inscription à leurs services des enfants de moins de 15 ans, sauf si les parents ont donné leur accord. Pour se faire, ces plateformes devront mettre en place une solution technique permettant de vérifier l’âge de leurs utilisateur·trice·s et l’autorisation des parents.

Une troisième proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants8 est en cours de discussion au parlement français.

La proposition de loi entend mieux faire respecter le droit à l’image des enfants par leurs parents sur les réseaux sociaux. Diffuser des photos et des vidéos de ses enfants sur Internet est devenue pour certains parents une pratique banale mais qui n’est pas sans risques.

L’association RUNE-Genève appelle le Conseil des États et le Conseil national à s’inspirer de la proposition danoise et des trois projets de lois français pour protéger les enfants et les jeunes des impacts négatifs des écrans.

L’esprit de nos enfants et de nos jeunes est notre bien le plus précieux, prenons en soin.

Association « Réfléchissons à l’Usage du Numérique et des Écrans » – RUNE-Genève